Mis à jour le 12 février 2023 par Tatiana75
Quand on parle investissement locatif, la peur des impayés de loyers semble bloquer un bon nombre d’investisseurs potentiels. Le taux d’impayés en France est pourtant objectivement plutôt faible. Un pourcentage de 2 à 3% est ainsi régulièrement évoqué.
La procédure pour expulser un mauvais payeur est néanmoins très longue. Plus de deux ans seront parfois nécessaires, sans compter le fait que vous ne récupérerez probablement jamais l’argent perdu le temps de la procédure et que le risque de retrouver un appartement dégradé est grand. La crainte de l’impayé est donc tout à fait légitime.
Le meilleur moyen d’éviter les impayés restant la prévention, je vous renvoie à l’article Comment choisir son locataire. Si, malgré toutes vos précautions, vous vous retrouvez face à cette situation pouvant vite devenir catastrophique, je vous donne ici quelques conseils et informations sur les procédures à initier.
Mon locataire ne m’a pas payé : que faire ?
Votre locataire, qui a toujours versé son loyer en temps et en heure, a subitement arrêté de vous payer ? Avant de vous monter la tête en imaginant le pire, passez-lui un coup de fil pour lui signaler (gentiment) que vous n’avez pas encore reçu son loyer. Il peut s’agir d’un simple oubli. Cela m’est déjà arrivé ; la locataire s’est platement excusée, m’a fait le virement immédiatement, et je n’ai plus eu de soucis par la suite. La plupart des gens sont de bonne foi : inutile de sortir l’artillerie lourde tout de suite.
Votre locataire peut aussi être confronté à un problème passager rendant difficile le paiement de son loyer ce mois-ci. S’il propose de vous payer le loyer en retard en même temps que le suivant et vous explique bien sa situation, là encore, cela ne signifie pas nécessairement qu’il ne vous paiera plus jamais. Pensez néanmoins à formaliser votre accord par écrit, dans un document daté et signé par les deux parties.
En revanche, si vous sentez que le problème risque de se reproduire (par exemple, s’il a changé de travail et que ses revenus sont moindres), n’hésitez pas à l’inciter à trouver un autre logement moins onéreux et faites lui comprendre que vous serez intransigeant si la situation se dégrade. Etre compréhensif en cas de difficulté passagère oui, tout accepter, non. Même si vous vous montrez sympa au début, je vous conseille de rester ferme, histoire que votre locataire ne pense pas que le paiement du loyer peut se faire à la carte.
Persistance des impayés
Votre locataire ne vous répond pas ou ses problèmes passagers s’avèrent récurrents ?
Si vous avez souscrit une assurance loyers impayés, référez-vous à votre contrat pour connaître les conditions de mise en œuvre. Votre assureur exigera en effet généralement une relance par lettre simple, puis une mise en demeure par LRAR avant toute prise en charge. Vérifiez rapidement les délais imposés, histoire de ne pas vous voir opposer un refus de garantie.
Si votre locataire a un garant, contactez-le pour lui faire part de l’impayé. S’il s’est engagé à travers un acte de caution solidaire, il devra régler les loyers impayés réclamés à première demande, sans nécessité d’en passer par une procédure judiciaire. En revanche, s’il s’agit d’une caution simple (ce qui est évidemment fortement déconseillé), il pourra exiger que vous ayez épuisé tous les recours juridiques à l’encontre du locataire avant de payer la dette.
La déclaration de l’impayé auprès du garant doit se faire dans un délai de 30 jours à compter de l’échéance due.
Le cas de la garantie visale
Si le locataire bénéficie d’une garantie Visale, vous pourrez faire votre déclaration à partir d’un mois de loyer impayé. Action Logement exige toutefois que vous ayez envoyé une mise en demeure par LRAR. Si votre locataire demande des délais de paiement et que vous êtes prêt à lui accorder, vous devrez quand même effectuer ces démarches, quitte à régulariser par la suite en déclarant les loyers perçus. La garantie risquerait sinon de ne plus pouvoir être accordée.
Dans le cas évoqué ci-dessus du locataire de bonne foi apparente qui vous demande un délai de paiement en cas de difficulté passagère, il semblerait donc plus prudent de déclarer malgré tout l’impayé sur Visale, histoire de ne pas vous retrouver sans garantie si le paiement n’arrive jamais. La procédure étant bien détaillée sur leur site, je vous y renvoie si besoin est.
Si votre locataire touche des aides au logement, les impayés devront être signalées à la CAF dans un délai de 2 mois. La CAF estime que « l’impayé est établi lorsque le cumul des sommes impayées atteint 2 fois le montant du loyer + charges » après déduction de l’aide au logement si celle-ci vous est versée, sans déduction si le locataire la perçoit directement. Il pourra vous être demandé de mettre en place un plan d’apurement de la dette avec le locataire. Si les aides étaient perçues par le locataire, la CAF vous les versera désormais. Pas éternellement malheureusement, les versements seront limités à 6 mois.
Bon à savoir : vous risquez une amende si vous ne déclarez pas l’impayé à la CAF..!
Résiliation du bail et procédure d’expulsion
Commandement de payer
Si votre bail a été correctement rédigé (ce qui est normalement le cas si, comme moi, vous achetez des modèles sur PAP par exemple), il contient une clause résolutoire. Celle-ci prévoit la possibilité de résilier le bail en cas de manquement du locataire à l’une de ses obligations, dont le paiement du loyer fait évidemment partie. Il vous faudra alors faire parvenir au locataire (et à son éventuel garant), via un huissier de justice, un commandement de payer. Un certain formalisme devra être respecté sous peine d’invalidité. Le commandement devra ainsi mentionner le décompte de la dette, le montant mensuel du loyer et des charges, et indiquer au locataire qu’il peut saisir un Fonds de Solidarité Logement (FSL).
Le locataire aura alors 2 mois pour vous payer ou, s’il ne le peut pas, demander des délais de paiement au juge ou une aide financière à un FSL. Si le locataire n’a toujours pas réglé sa dette et n’a entamé aucune démarche, vous devrez saisir le juge des référés.
Assignation
Si votre bail ne contient pas de clause résolutoire, il vous faudra assigner le locataire devant le juge des contentieux de la protection pour obtenir la résiliation et l’expulsion. Le juge aura néanmoins un pouvoir d’appréciation sur la gravité de la faute, ce qui n’est pas le cas en présence d’une clause résolutoire. La résiliation du bail n’est donc pas acquise. Le juge examinera la situation financière du locataire et accordera ou non des délais de paiement.
Si le juge décide de la résiliation du bail et de l’expulsion du locataire, vous devrez adresser à ce dernier, toujours via huissier, un commandement de quitter les lieux. A compter de sa réception, le locataire aura 2 mois pour libérer votre bien.
Mais alors, me direz-vous, les délais pour expulser un locataire ne sont finalement pas si longs. Si le locataire libère les lieux sans discuter, cela peut effectivement être relativement rapide. Je dis « relativement » car n’oublions pas qu’il vous faudra entre 6 et 18 mois pour obtenir une décision du tribunal (le délai variant selon le degré d’engorgement du tribunal en question). Et ça, c’est si vous avez de la chance… Le locataire peut en effet demander au juge un délai supplémentaire pour quitter les lieux et selon sa situation, un délai allant de 3 mois à 3 ans (!) pourra lui être accordé.
La procédure d’expulsion
Même sans délai supplémentaire accordé, si le locataire ne part pas de lui-même, vous devrez faire appel à un commissaire de justice pour procéder à l’expulsion. Le méchant huissier que vous voyez dans les émissions M6, pour faire simple. Bien entendu, même si c’est tentant, hors de question de vous faire justice à vous-même en changeant les serrures ou en faisant appel à des potes très musclés pour mettre un coup de pression sous peine d’amende, voire de prison.
Aucune expulsion ne pouvant se réaliser pendant la trêve hivernale (du 1er novembre au 31 mars), vous perdrez encore quelques semaines ou mois si vous vous trouvez dans cette période. Précisons que vous pouvez néanmoins lancer la procédure pendant cette période.
Quand l’huissier se pointera, si votre locataire quitte les lieux, un procès-verbal d’expulsion sera dressé. Si des meubles ont été laissés, l’huissier les listera et l’ancien locataire aura 2 mois pour les récupérer.
Que faire si le locataire refuse de partir ?
Si le locataire refuse d’ouvrir ou est absent, vous imaginez bien que ce n’est pas l’huissier qui va défoncer la porte. Il faudra demander au préfet l’assistance d’un serrurier et de la police, ce qui ajoutera un délai supplémentaire. Le préfet a en effet 2 mois pour répondre, étant précisé que l’absence de réponse vaut refus. En cas de refus (qui peut être « justifié » par la situation du locataire – âge, enfants, maladie…) vous pourrez réclamer à l’Etat une indemnité financière. Le préfet aura 4 mois pour vous répondre, et peut proposer une indemnité plus faible que ce que vous demandez.
Précision importante : il s’agit d’une indemnité pour refus de concours de la force publique, pas d’une indemnité visant à compenser les impayés. Vous ne récupérez ainsi pas les loyers impayés depuis le début de la procédure. L’indemnité commencera à courir à partir du moment où la demande d’intervention a été refusée, et si cela tombe pendant la trêve hivernale, le point de départ sera reporté. Et il faut s’estimer heureux car le préfet accorde maintenant quasiment systématiquement une indemnité. Il y a quelques années, il n’était pas rare de devoir faire un recours devant le Tribunal administratif…
Précisons également que vous aurez bien entendu des frais à avancer (et que vous aurez du mal à récupérer si le locataire est insolvable), notamment pour les différents actes réalisés par l’huissier. Le coût d’une procédure peut ainsi aller de 1 500 à 5 000 € si vous faites appel à un avocat pour vous assister.
Evolutions
Constatant ce fort déséquilibre du niveau de protection entre bailleurs et locataires, l’Assemblée Nationale a enfin adopté une mesure visant à réduire la procédure d’expulsion. Depuis le 29 novembre 2022, le bail d’habitation peut contenir une « clause de résiliation de plein droit », qui permettra au bailleur subissant des impayés de résilier le bail sans avoir à engager une action en justice. A la demande de certains partis, le projet initial a toutefois été modifié pour laisser la possibilité au locataire de saisir le juge pour demander la suspension de cette clause. Un progrès limité donc…
Il y aurait beaucoup à dire mais n’étant pas là pour faire de la politique, je vais m’arrêter là et vous conseiller, si vous vous retrouvez un jour dans cette situation, de vous faire accompagner par un avocat spécialisé sur le sujet, même si sa présence n’est pas obligatoire pour cette procédure. Et surtout, rien ne valant la prévention, pensez bien à :
- Intégrer au bail cette nouvelle clause de résiliation de plein droit,
- Prendre une caution solidaire, la garantie Visale ou une assurance loyers impayés,
- Et surtout, choisissez bien votre locataire. Mieux vaut laisser votre appartement vide 3 semaines pour prendre le temps de trouver quelqu’un vous inspirant confiance que de louer au premier venu.