Défiscalisation immobilière : le Malraux pour réduire ses impôts ?

Mis à jour le 19 mars 2023 par Tatiana75

Après le Pinel, le Denormandie et le déficit foncier,  poursuivons l’étude des possibilités de défiscalisation en immobilier avec le dispositif Malraux.

Instauré en 1962 par André Malraux, le dispositif vise à faciliter la restauration immobilière du patrimoine historique français et à augmenter l’offre locative dans les centres-villes historiques. Jusqu’à fin 2008, il s’avérait extrêmement intéressant, le coût des travaux pouvant être déduit directement des revenus.

Aujourd’hui, l’avantage fiscal prend la forme d’une réduction d’impôt mais reste néanmoins avantageux, notamment pour les personnes fortement fiscalisées. Il est en effet possible d’économiser jusqu’à 120 000 € d’impôts sur 4 ans. Depuis 2013, le dispositif n’est en outre plus soumis au plafonnement des niches fiscales.

Investir dans un bien qualitatif tout en réduisant ses impôts, l’idée semble séduisante. Est-ce toutefois vraiment intéressant ? Quels sont les points d’attention ? Nous en parlons dans l’article qui suit.

Le principe : rénover des biens dans des « sites patrimoniaux remarquables »

Le Malraux vise à inciter les investisseurs à rénover des immeubles anciens, à caractère historique ou esthétique. L’antithèse du Pinel, donc. Pour être éligible, l’immeuble doit se situer dans l’une des zones suivantes :

  • Site Patrimonial Remarquable, dont le Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur (PSMV) a été approuvé,
  • Site Patrimonial Remarquable avec Plan de Valorisation de l’Architecture et du Patrimoine (PVAP) approuvé ou dont le programme de restauration a été déclaré d’utilité publique,
  • Quartiers Anciens Dégradés (QAD),
  • Quartiers conventionnés NPNRU (anciens secteurs sauvegardés).

La dispositif ayant pour objectif de préserver des quartiers historiques, vous n’êtes pas ici cantonné aux zones « secondaires », parfois peu attractives. Vous pourrez ainsi investir à Nantes, Lille, Lyon, Paris ou encore Aix-en-Provence. Un bon point si vous cherchez un investissement plutôt patrimonial.

Pour voir la liste complète des zones éligibles, je vous renvoie à cette carte interactive réalisée par Qwantim.

Le dispositif ne s’applique qu’aux locaux à usage d’habitation et fonctionne également en cas de changement d’usage. Depuis 2016, il n’est plus tenu compte de la situation initiale du bien. Il est ainsi possible de transformer un bureau ou un commerce en habitation.

Les conditions à respecter

Bien entendu, pour bénéficier d’une telle réduction d’impôt, certaines conditions devront être respectées. En premier lieu, celle d’être fiscalement domicilié en France et de détenir le bien en pleine propriété. Il n’est ainsi pas possible de faire un démembrement. Le dispositif a connu plusieurs évolutions depuis son adoption mais les dernières modifications d’importance datant de 2016, je ne vais vous présenter que les règles applicables actuellement.

Les travaux à réaliser

Vous vous en doutez, restaurer un parquet ne suffira pas pour être éligible au dispositif. Il vous faudra procéder à une « opération de restauration complète », dont la définition n’est pas strictement encadrée. Le BOFIP précise que : « Les travaux doivent aboutir à une restauration complète d’un immeuble bâti. Par conséquent, sont exclus les travaux qui n’en permettent qu’une restauration partielle. En revanche, il n’est pas nécessaire que les travaux portent sur toutes les parties de l’immeuble, lorsque certaines d’entre elles ne nécessitent aucune intervention. »

Une autorisation du préfet devant être obtenue préalablement à l’opération, vous serez de toute façon fixé sur sa recevabilité. L’avis d’un architecte des bâtiments de France (ABF) sera sollicité, et ce dernier suivra également vos travaux. Il ne s’agit donc pas d’une opération que vous pourrez gérer vous-même dans votre coin.

Un bien à louer

Pour être éligible à la réduction d’impôt, vous devrez mettre le bien en location nue pendant une durée minimale de 9 ans. La vente du bien ne sera pas possible pendant cette période. La mise en location devra se faire dans un délai de 12 mois suivant l’achèvement des travaux. Le bien devra constituer la résidence principale du locataire.

Il ne vous sera pas permis de louer à un membre de votre foyer, à un ascendant ou un descendant. Cette règle s’applique également si vous détenez le bien dans le cadre d’une SCI à l’IR. Dans ce cas là, la location à l’un des membres de la SCI n’est bien entendu pas autorisée.

Le montant du loyer n’est pas plafonné. Contrairement au Pinel ou au Denormandie, vous êtes donc libre de fixer le montant souhaité, dans la limite toutefois de l’encadrement des loyers dans les villes concernées. De même, il n’est pas exigé que les revenus de votre locataire se situent en-dessous d’un certain plafond.

La réduction d’impôt

L’avantage fiscal Malraux prend la forme d’une réduction d’impôt calculée sur le montant des travaux réalisés. Le taux est de 30% pour les biens situés dans un Site Patrimonial Remarquable avec PSVM approuvé, dans un QAD ou dans un quartier conventionné NPNRU. Dans les Sites Patrimoniaux Remarquables avec PVAD, la réduction est limitée à 22%.

La réduction est calculée sur un montant maximum de travaux de 400 000 € et s’étale sur la période de paiement de ces derniers. Celle-ci ne doit pas dépasser 4 ans après la date de délivrance du permis de construire si des fouilles archéologiques sont nécessaires, 3 ans si ce n’est pas le cas. Attention d’ailleurs aux raccourcis des gestionnaires de patrimoine et des promoteurs. J’ai pu lire sur certains sites des mentions à « une réduction d’impôt plafonnée à 400 000 € ». Il s’agit en réalité du montant des travaux sur lesquels la réduction sera calculée. Vous ne pourrez jamais réduire vos impôts de 400 000 €.

Ainsi, si le montant des travaux s’élève à 200 000 € sur 3 ans et que nous sommes dans un QAD, en admettant un décaissement linéaire, il sera possible d’économiser 60 000 € sur ses impôts (30% de 200 000 €), soit 20 000 € par an. Il faut donc investir dans des travaux proportionnellement avec vos impôts. Inutile de mettre 200 000 € si vous payez 10 000 € d’impôts par an, vous ne bénéficierez pas pleinement de la réduction. Mieux vaut dans ce cas dépenser 100 000 € de travaux. Si la réduction dépasse le montant de votre impôt, la loi de Finances Rectificative pour 2016 a toutefois rendu possible son report pendant 3 ans.

Les travaux pris en compte dans le calcul sont limitativement énumérés. Vous en retrouverez la liste dans le Bofip.

Dans certains cas, il vous sera également possible de cumuler le mécanisme du déficit foncier pour les travaux d’entretien et de réparation. Nous en reparlons dans la partie suivante.

Attention : au moment de la revente, pour le calcul de la plus-value, vous ne pourrez pas ajouter le montant des travaux au prix d’acquisition puisque vous aurez déjà bénéficié d’un avantage fiscal. L’impôt au titre de la plus-value peut donc s’avérer très important. L’investissement en Malraux est dès lors plutôt conseillé dans le cadre d’une détention longue, qui vous permettra de bénéficier des abattements, voire d’une exonération totale. Une exception existe. Nous en parlerons plus bas.

Egalement, pensez à prendre en compte dans vos calculs les impôts que vous devrez payer sur les loyers perçus. Ces derniers sont rarement inclus dans les « business plans » des gestionnaires de patrimoine peu sérieux.

Comment acheter en Malraux ?

Pour investir en Malraux, peu d’options s’offrent à vous.

La vente d’immeuble à rénover (VIR)

Tout d’abord, solution la plus classique : acheter un lot dans un « immeuble à rénover ». Le principe est similaire à la VEFA (Vente en Etat Futur d’Achèvement) pour le neuf. Un promoteur va se charger de rénover lourdement un immeuble sous la houlette d’un ABF et vendra les appartements lots par lots. Comme pour du neuf, vous achèterez sur plans et réglerez le prix au fur et à mesure de l’avancement des travaux.

Outre la simplicité pour l’investisseur qui n’aura pas besoin de suivre les travaux, l’avantage principal de l’acquisition dans le cadre d’une VIR est qu’il permet une exception au principe évoqué ci-dessus quant au calcul de l’impôt sur la plus-value. Le coût des travaux sera en effet intégré au prix d’acquisition, ce qui réduira le delta avec le prix de vente et donc, le montant de l’impôt.

Il ne vous sera par contre pas possible de cumuler votre réduction d’impôt avec le mécanisme du déficit foncier.

Ces programmes sont souvent proposés via un gestionnaire de patrimoine, qui se prend logiquement une commission au passage. Contacter directement un promoteur peut permettre de vous faire économiser là-dessus.

Bien entendu, il est indispensable de s’assurer du sérieux du promoteur et de vérifier qu’il dispose d’une qualification particulière dans ce genre d’opération. Contrairement aux programmes neufs classiques, la qualité de la restauration sera validée par l’ABF. Peu de promoteurs semblent vraiment spécialisés sur la restauration d’immeubles anciens. J’ai pu identifier le Groupe CIR et Histoire & Patrimoine mais ne les ayant pas testés, je me garderai de donner un avis.

Jetons un coup d’œil aux programmes Malraux actuellement proposés pour avoir une idée des prix proposés par rapport à l’ancien classique.

Exemple 1 : Versailles, 86 rue d’Anjou. Studios, T2 et T3.

Prix (travaux inclus) avant défiscalisationPrix de revient après défiscalisationPrix moyens MeilleursAgentsPrix des offres sur de l’ancien rénové Prix programmes neufs
10 274 € – 12 511 €/m²8 067 € – 9 835 €/m²6 373 € – 9 246 €/m²9 000 – 9 300 €/m²9 000 €/m²

Le prix d’acquisition hors avantage fiscal est donc plus élevé que la moyenne. En prenant en compte l’avantage fiscal, même en considérant que l’immeuble est bien placé et entièrement rénové, il reste en fourchette très haute.

Exemple 2 : Strasbourg, 1 rue Mercière. Studios, T2 et T3.

Prix (travaux inclus) avant défiscalisationPrix de revient après défiscalisationPrix moyens MeilleursAgentsPrix des offres sur de l’ancien rénové Prix programmes neufs
10 082 € – 13 308 €/m²8 449 € – 11 136 €/m²4 195 – 8 495 €/m²6 000 – 7 000 €/m²6 000 €/m²

Même avec l’avantage fiscal, le prix d’acquisition est donc en fourchette très très haute..!

Exemple 3 : Aix-en-Provence, 59 rue d’Italie. Studios et T2.

Prix (travaux inclus) avant défiscalisationPrix de revient après défiscalisationPrix moyens MeilleursAgentsPrix des offres sur de l’ancien rénové Prix programmes neufs
9 930 € – 10 360 €/m²8 112 € – 8 982 €/m²3 251 € – 7 815 €/m²7 000 – 9 000 €/m²8 000 € – 9 000 €/m²

Ainsi, sur les 3 exemples cités, seul l’immeuble d’Aix-en-Provence présente des prix en Malraux en corrélation avec l’ancien rénové. Après défiscalisation toutefois. On pourrait alors se demander s’il est vraiment pertinent de s’embêter avec les contraintes du Malraux (risques liés aux travaux, démarches administratives pour obtenir la réduction d’impôt, obligation de louer en nu pendant 9 ans…) plutôt que d’acheter un bien classique qui sera au même prix et dont on pourra faire ce que l’on souhaite. Avoir un avantage fiscal, c’est bien, surpayer un bien pour l’avoir, c’est inutile.

Investir via une ASL ou une AFUL

Le 2ème moyen d’investir en Malraux est via une Association Syndicale Libre (ASL) ou une Association Foncière Urbaine Libre (AFUL). Ces dernières permettent de donner un cadre juridique et administratif aux membres d’une association (syndicat des copropriétaires par exemple) qui souhaiteraient entreprendre des travaux de rénovation de leur immeuble. L’ASL ou l’AFUL se chargeront de choisir un maître d’œuvre, de gérer les appels de fonds, le suivi des travaux… Cela nécessitera donc un peu plus d’investissement personnel de votre part (sauf si un membre de l’association se dévoue pour se charger de tout). Si personne ne s’y connaît, mieux vaut se faire accompagner par un expert (avocat, notaire…)

Niveau fiscalité, contrairement à la VIR, le calcul de la plus-value à la revente se fera sur la base du prix du foncier, sans les travaux. L’impôt au titre de la plus-value peut donc vite grimper. En revanche, vous pourrez ici optimiser la réduction fiscale grâce à un mix entre Malraux et déficit foncier, à définir en fonction de votre situation personnelle.

Quelle rentabilité pour le Malraux ?

Malgré des loyers pouvant se situer en fourchette haute grâce à la localisation et à la rénovation des biens, les rendements annoncés pour les investissements en Malraux ne sont pas stratosphériques. Les conseillers en gestion de patrimoine évoquent des rendements bruts autour des 2,50% sans tenir compte de l’avantage fiscal, et de 3,50% en l’intégrant aux calculs.

Le Malraux doit donc plutôt s’envisager comme un investissement patrimonial : un appartement qui sera détenu sur du long terme et qui aura des chances de se valoriser dans le temps. Attention toutefois à la localisation : les exemples ci-dessus portaient sur des biens situés dans des villes plutôt recherchées, mais ce n’est bien entendu pas le cas de tous les endroits où il est possible d’investir en Malraux. Si vous investissez à Laon, à Sedan ou à Langres, mieux vaut peut-être miser un peu plus sur le rendement que sur la plus-value à la sortie.

La SCPI fiscale

Si vous ne souhaitez pas vous embêter avec un investissement en direct, l’achat de parts de SCPI Malraux est possible. Si vous n’êtes pas familiers avec ce type d’investissement, je vous renvoie vers cet article pour connaître les bases.

Avec ce système, la société de gestion va se charger d’acheter des biens pouvant bénéficier du Malraux, de faire les travaux et de louer. L’achat de parts vous permettra de bénéficier de l’avantage fiscal comme si vous achetiez directement un bien. Là également, vous devrez conserver les parts pendant 9 ans minimum. Dans les faits, la durée de détention est généralement plus longue car la souscription sera lancée avant même l’achat des biens. Misez donc plutôt sur une quinzaine d’années.

Les retours d’expérience que j’ai pu lire sont toutefois très mitigés. Des analyses ont été faites une dizaine d’années après le lancement des premières SCPI Malraux ; de fortes baisses de la valeur des parts a été observée. Celles-ci peuvent s’expliquer par un prix d’acquisition élevé (là aussi), un poids trop important du coût des travaux par rapport à la valeur du patrimoine, ou encore une faible progression des prix de l’immobilier dans les villes où les biens ont été acquis. Pour plus de détails, je vous renvoie aux sites Ideal-Investisseur et Capital.

Prudence donc, d’autant plus que malgré une baisse de la valeur des parts, certains investisseurs ont dû s’acquitter de l’impôt sur la plus-value, celui-ci se calculant sur le prix d’achat hors travaux. La liquidité des parts est en outre faible, peu d’acquéreurs étant enclins à investir dans une SCPI Malraux dans laquelle l’avantage fiscal a déjà été consommé.

Est-il possible de faire son propre Malraux ?

Vous vous demandez peut-être s’il ne vous serait pas simplement possible d’acheter un appartement, d’y faire de gros travaux et de bénéficier du Malraux. La loi évoquant la nécessité de « restauration complète » d’un « immeuble », il semblerait que la rénovation d’un seul lot ne puisse pas entrer dans ce dispositif. Rien ne semble toutefois vous empêcher d’acheter un immeuble entier et d’initier une opération de restauration si vous en avez les compétences et que vous êtes prêt à y passer du temps.

Alors le Malraux, on s’y intéresse ?

A l’origine, le dispositif Malraux part certainement d’une bonne intention : inciter les particuliers à contribuer à la sauvegarde du patrimoine français en contrepartie d’un avantage fiscal. Pour les amateurs de belle pierre désireux de se constituer un patrimoine (et fortement fiscalisés), l’idée semble attrayante.

Toutefois, comme pour tout investissement immobilier rentrant dans le cadre d’un dispositif de défiscalisation, il semblerait que les prix soient fortement gonflés à l’acquisition. Avant de foncer les yeux fermés, attiré par l’idée de payer moins d’impôts, comparez les prix proposés avec ceux du marché ancien classique. Si, dans ce dernier, les biens rénovés et qualitatifs se vendent au même prix, quel est intérêt de s’enfermer dans un dispositif contraignant ?

Rappelez-vous aussi qu’il vous faudra louer le bien dans un délai de 12 mois sous peine de perdre l’avantage fiscal. Ne faites donc pas l’impasse sur l’étude du marché locatif. Une fois de plus, j’ai pris des exemples dans des villes où le marché est plutôt tendu mais c’est loin d’être le cas dans toutes les zones accessibles en Malraux.

Attention également à la qualité des programmes proposés. La notion de « patrimoine historique » semble assez large… Faites un tour sur les sites des promoteurs proposant du Malraux. On y voit de très beaux immeubles mais aussi de très banals, surtout dans les petites villes.

Un retour d’expérience sur le Malraux ? N’hésitez pas à le partager en commentaire !

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