Doit-on créer une SCI pour investir dans l’immobilier ?

Mis à jour le 25 avril 2021 par Tatiana75

Parlons aujourd’hui d’un sujet qui, bien que souvent évoqué, est souvent mal connu : la SCI.
Combien de fois ai-je entendu « Ah tu as des appartements, tu as donc des SCI ? » Ou encore « Moi je veux investir pour avoir des SCI ».

Je ne sais pas pourquoi la SCI jouit d’une telle aura (« parce que c’est stylé », me dit-on parfois). Toutefois, contrairement aux idées reçues, créer une SCI pour investir dans l’immobilier n’est pas toujours pertinent. Voyons cela un peu plus en détail.

La SCI, qu’est-ce que c’est ?

La Société Civile Immobilière est un type de société permettant à un groupe d’associés de constituer et de gérer en commun un patrimoine immobilier. Il n’est ainsi pas possible de créer une SCI seul.

Il est en revanche possible de prévoir une répartition inéquitable des parts. Les mineurs pouvant avoir le statut d’associé, vous pouvez par exemple créer une SCI avec vos enfants, en leur attribuant des parts très minoritaires, et ainsi gérer vos biens seul. Nous y reviendrons plus tard, l’optimisation de la transmission de son patrimoine étant l’intérêt principal de la SCI.

La SCI présentant un caractère civil, elle est soumise aux articles 1845 et suivants du Code civil. Elle peut par ailleurs prendre plusieurs formes.

Les différents types de SCI

  • la SCI de location. C’est la SCI « classique », celle qui vous permet d’acquérir et de gérer un bien en commun avec des associés ne faisant pas nécessairement partie de votre famille.
  • la SCI familiale. Son objet est le même que la SCI de location, mais les associés doivent impérativement faire partie de la même famille (jusqu’au 4ème degré inclus). Souvent utilisée dans un objectif d’optimisation de la transmission de son patrimoine, elle permet également d’échapper à la qualification de « bailleur professionnel » imposant des baux d’une durée minimale de 6 ans contre 3.
  • la SCI d’attribution. Sert à l’acquisition ou la construction de biens immobiliers en vue de leur division par fraction selon les participations de chaque associé au capital social. Généralement utilisée pour les opérations d’envergure, elle sera automatiquement dissoute une fois son objet social réalisé, à savoir la division de la propriété acquise.
  • la SCI de construction-vente. A pour objectif de construire un immeuble dans le but de la revendre immédiatement en faisant un bénéfice. Son objet étant commercial, et non civil, elle sera soumise à l’impôt sur les sociétés.

Nous n’entrerons pas dans le détail des deux dernières formes, surtout utilisées par les investisseurs professionnels. Si le sujet vous intéresse, n’hésitez pas à jeter un coup d’oeil à cet article pour la SCI d’attribution, et à celui-ci pour la SCCV.

Les formalités de création

Créer une SCI ne s’improvise pas. Listons-en les différentes étapes.

1. Ouvrir un compte bancaire au nom de la SCI

Indispensable pour encaisser les loyers, régler les frais et taxes, faire un emprunt…Le compte doit impérativement être ouvert au nom de la société. Il ne peut s’agir du compte personnel de l’un des associés, et ce afin d’éviter toute confusion des patrimoines. Sans parler des problèmes potentiels si l’administration fiscale vient mettre son nez dans vos affaires.

Vérifiez bien le montant des frais bancaires et négociez-le au besoin. S’agissant d’un compte considéré comme « professionnel » par les banques, les frais sont généralement plus élevés que pour un compte personnel. D’où la tentation pour certains de conserver leur propre compte.

2. Réaliser les apports au capital social

Les apports devront être réalisés soit en numéraire (apport de sommes d’argent) soit en nature (apport de biens meubles ou immeubles préalablement évalués pour qu’une valeur financière leur soit attribuée). Les apports en numéraire devront être versés sur le compte bancaire de la SCI. La loi ne prévoyant pas de capital social minimum, il est possible de créer une SCI avec un capital d’1€. Cette somme, aussi dérisoire soit-elle, devra néanmoins faire l’objet d’un dépôt bancaire.

3. Rédiger les statuts

C’est l’étape la plus importante. Les statuts régissent en effet l’organisation de la SCI et les rapports entre les associés. Une attention particulière devra donc être portée à leur rédaction sous peine de conflits ultérieurs. Il est ainsi déconseillé d’utiliser les modèles trouvables sur internet tels quels, sans vérifier qu’ils soient adaptés à votre situation.

A moins de disposer de compétences particulières en la matière, il est préférable d’en déléguer la rédaction à un professionnel. De nombreuses sociétés se sont engouffrées sur le créneau et proposent de réaliser pour vous toutes les démarches de création, dont la rédaction des statuts, en moins de 48h. N’ayant eu recours à leurs services, je ne sais pas ce que ça vaut, mais j’aurais plutôt tendance à me tourner vers un avocat ou un notaire.

Les statuts devront être rédigés par écrit, sous seing privé ou par acte notarié (obligatoire en cas d’apport d’immeuble au capital social). La liste des mentions obligatoires figure à l’article 1835 du Code civil.

4. Publier un avis de création dans un journal d’annonce légales

Cette formalité devra se faire dans un délai d’un mois suivant la signature des statuts. Elle donnera lieu à la remise d’une attestation de publication qui vous permettra de réaliser la dernière étape.

5. Déposer une demande d’immatriculation au greffe du Tribunal de commerce

Cette formalité peut se faire en ligne sur le site d’Infogreffe. Vous y trouverez également la liste des pièces à fournir.

Vous obtiendrez alors un extrait Kbis avec un numéro SIREN et un numéro SIRET. Votre société sera ainsi officiellement créée.

Toutes ces démarches sont chronophages et ont un coût : 300 à 400 € pour les formalités légales indispensables si vous faites tout le reste seul, jusqu’à 2 000 € si vous vous faites accompagner par un avocat. Il convient ainsi de vous assurer en premier lieu que recourir à une SCI est pertinent dans votre situation.

Dans quels cas devriez-vous recourir à une SCI ?

Pour optimiser la transmission de son patrimoine

Anticiper la transmission de son patrimoine représente, selon moi, le principal intérêt de la SCI. Si vous avez déjà des enfants et que vous comptez investir dans une optique de long terme, je vous conseille d’envisager cette solution. Il est bien entendu également possible de nicher dans une SCI vos bien déjà acquis. Ainsi, si vous n’avez pas d’enfants et ne comptez pas en avoir rapidement, vous n’êtes pas contraints de penser dès maintenant à la SCI « au cas où ». Il sera toujours temps de vous en préoccuper le moment venu.

Avec une SCI, vos immeubles ne sont plus vus comme des entités indivisibles mais comme des parts sociales. Or, partager des parts sociales entre plusieurs personnes étant beaucoup plus aisé que partager une entité indivisible, vous tenez là le premier intérêt de la SCI. Vous pourrez faire entrer progressivement vos enfants dans la société en procédant à des donations de parts, lesquelles pourront s’effectuer « à l’euro près ». Il est ainsi facile de prévoir une répartition équitable entre vos enfants.

Transmettre des parts décotées

Autre avantage : partant du principe que des parts de SCI sont peu liquides (c’est-à-dire qu’elles seraient difficiles à vendre à des personnes non associées), vous pourrez les décoter lors de leur transmission. Il est généralement admis une décote allant de 10 à 15%. Or, la valeur des parts servant de base pour le calcul des droits de donation, toute réduction est bonne à prendre !

Surtout, les parts sociales pourront faire l’objet de donations sans droits à payer tous les 15 ans, dans le respect des plafonds suivants :

  • 100 000 € pour chaque enfant,
  • 31 865  € pour chaque petit enfant.

Vous avez donc tout intérêt à commencer à transmettre vos parts à vos enfants le plus tôt possible, d’autant plus que les mineurs peuvent être associés à une SCI. En lissant les donations dans le temps, selon la valeur de votre patrimoine (et le nombre de descendants que vous aurez !), vous pouvez ainsi transmettre vos biens immobiliers sans droits à payer, de manière tout à fait légale.

Le démembrement de propriété

Un autre montage intéressant pour optimiser sa succession est le démembrement de propriété. Celui-ci consiste en la séparation de la pleine propriété d’un actif entre deux parties : l’usufruit et la nu-propriété. L’usufruitier conservera la jouissance du bien, c’est-à-dire qu’il pourra y vivre ou en percevoir les loyers s’il est mis en location. Le nu-propriétaire détiendra le droit de disposer du bien. C’est ainsi lui qui pourra décider de le vendre.

A l’extinction de l’usufruit (généralement au décès de l’usufruitier), le nu-propriétaire récupère automatiquement la pleine propriété du bien.

Là où le mécanisme devient intéressant, c’est que vous pourrez transmettre progressivement à vos enfants les parts sociales correspondant à la nue-propriété du bien.

Les plafonds sont les mêmes que ceux mentionnés ci-dessus, mais comme la valeur de la nue-propriété est moindre que la valeur de la pleine propriété, vous pourrez transmettre votre patrimoine plus rapidement, tout en conservant son usage grâce à l’usufruit. A votre décès, vos enfants récupéreront automatiquement la pleine propriété des biens, sans impôts supplémentaires.

Vous avez tout intérêt à procéder à ce démembrement de propriété le plus tôt possible. La valeur de l’usufruit qui permettra de calculer la valeur de la nue-propriété dépend en effet de l’âge de l’usufruitier. Plus vous êtes âgé, moins cet usufruit vaut cher.

Je n’entrerai pas plus dans les détails de ce procédé, qui mériterait un article entier. Sachez juste que tout cela devra être prévu dans les statuts, idéalement rédigés par un professionnel du droit. En effet, bien que tout à fait légal, ce mécanisme peut vous exposer à une accusation d’abus de droit si l’intérêt économique de l’opération, à la fois pour l’usufruitier et pour le nu-propriétaire, n’est pas démontré dans les statuts.

Eviter l’indivision

Un autre avantage de la SCI est d’éviter le régime automatique de l’indivision lorsqu’on achète à plusieurs. Celui-ci peut en effet s’avérer contraignant, notamment en cas de mésentente. Suivant le principe que « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision », chaque indivisaire peut contraindre les autres à la vente de l’immeuble. Dans le cadre d’une SCI, on l’a vu, le bien est détenu sous forme de parts sociales. Il est donc beaucoup plus simple, pour un associé le souhaitant, de céder ses parts.

C’est selon moi l’avantage principal de la SCI sur l’indivision. La question de la facilité de gestion en SCI est souvent évoquée. En effet, en indivision, tout acte allant au-delà de la simple exploitation nécessite un accord unanime des indivisaires. Là encore, en cas de mésentente, la gestion peut s’avérer compliquée. Le fait de pouvoir prévoir des règles différentes dans les statuts de la SCI est mis en avant, mais comme il est également possible de le faire avec une convention d’indivision, j’ai du mal à voir la plus-value de la SCI à ce niveau. Si vous pouvez m’éclairer là-dessus, n’hésitez pas !

Un moyen de protection

En constituant une SCI, vous allez créer ce qu’on appelle une personne morale, dotée d’une personnalité juridique propre. Elle se distingue ainsi des personnes physiques que sont les associés. C’est cette personne morale qui détiendra le patrimoine affecté à la SCI. Ainsi, si l’un des associés contracte des dettes personnelles, les créanciers ne pourront pas se servir directement sur les immeubles détenus par la SCI.

Les parts sociales de l’associé débiteur sont toutefois saisissables, d’autant plus que la clause d’agrément qui prévoirait l’interdiction de l’arrivée d’un nouvel associé non désiré n’est pas opposable dans le cas d’une vente forcée. Les associés peuvent néanmoins choisir de racheter les parts de l’associé défaillant ou de dissoudre la SCI pour éviter l’arrivée du créancier.

La SCI peut donc être un bon moyen de mettre à l’abri un patrimoine. Attention toutefois aux apports qui seraient réalisés après contraction des dettes. Le tribunal pourrait qualifier votre société de fictive et annuler l’apport réalisé.

Les inconvénients de la SCI

Un formalisme lourd

Outre les différentes étapes de création évoquées en début d’article, la SCI vous soumet également à certaines obligations annuelles. La principale en est la tenue d’une assemblée générale, qui devra donner lieu à la rédaction d’un procès-verbal. Cette AG, à laquelle tous les associés devront être convoqués, permettra essentiellement de valider le compte-rendu de gestion que le gérant devra avoir rédigé au préalable.

Une comptabilité, plus ou moins détaillée selon que vous soyez imposé à l’IR ou à l’IS, devra être tenue, avec obligation d’établir des comptes annuels. Ces derniers devront être déposés chaque année au greffe du Tribunal de commerce sous peine d’amende.

En cas d’absence de preuve de tenue des AG, la SCI pourra être considérée comme fictive par l’administration fiscale.
Ces obligations ne sont bien sûr pas insurmontables mais une fois de plus, autant les éviter s’il s’avérait que la SCI ne revêtait que peu d’intérêt pour vous.

L’engagement de votre patrimoine personnel

Nous l’avons vu, la SCI est un bon moyen de mettre votre patrimoine immobilier à l’abri des créanciers. En revanche, votre patrimoine personnel peut lui être engagé. En effet, contrairement à une SARL, la responsabilité des associés de SCI n’est pas limitée à leurs apports. Elle est toutefois proportionnelle à la part de ces derniers. Imaginons que vous déteniez 60% des parts. Si la SCI contracte des dettes, les créanciers pourraient se servir sur votre patrimoine personnel à hauteur de 60% des sommes dues.

Par exemple, si la SCI n’est plus en mesure, pour une raison quelconque, de rembourser un prêt de 100 000 €, la banque peut engager la responsabilité des associés sur leur patrimoine personnel. En l’espèce, à hauteur de 60 000 € si vous détenez 60% des parts.

La responsabilité n’étant pas solidaire, vous ne serez pas tenu de régler les parts des associés défaillants. Aussi, tous les moyens de recours à l’encontre de la SCI doivent être épuisés avant que votre patrimoine puisse être saisi.

« Incomptabilité » avec la location meublée

On lit très souvent qu’il est impossible de bénéficier du régime LMNP pour des biens détenus par une SCI. Ce n’est pas tout à fait exact. Il est possible de louer en meublé, mais vous serez dès lors contraint d’opter pour l’impôt sur les sociétés, sauf si les revenus procurés représentent 10% maximum des revenus totaux générés par la SCI. Le cas échéant, vous pourrez conserver une imposition à l’IR.

Ainsi, et à moins de vouloir opter pour l’IS (ce qui n’est pas toujours avantageux selon votre situation), vous ne pourrez faire de la location meublée que dans le cas, assez rare, ou la SCI posséderait d’autres biens loués nus et rapportant 90% des revenus globaux. Si vous projetez d’acheter un appartement pour faire du LMNP et que vous ne souhaitez pas passer à l’IS, vous ne pourrez effectivement pas créer de SCI.

Aparté sur la fiscalité

Souvent vanté comme l’un des avantages principaux de la SCI, le choix de pouvoir opter pour l’impôt sur les sociétés en lieu et place de l’impôt sur le revenu n’est toutefois pas toujours opportun. La question ne devra pas être traitée à la légère. Certaines personnes, attirées par l’imposition souvent plus douce tout au long de la vie de l’immeuble, négligent de réfléchir en amont à ce qu’ils devront payer le jour de la vente. Or, la douloureuse est souvent plus salée qu’avec une imposition à l’IR.

Précisons que depuis le 1er janvier 2019, le choix d’opter pour l’IS n’est plus irrévocable. Vous pouvez ainsi décider de repasser à l’IR après un délai de 5 ans.

N’étant pas spécialiste des questions d’imposition à ce niveau, je me garderai de vous conseiller sur le choix à faire, d’autant plus que celui-ci dépend essentiellement de votre situation personnelle. Les règles en la matière pouvant en outre évoluer rapidement, il est selon moi indispensable de se rapprocher d’un expert-comptable ou d’un fiscaliste avant de faire un choix harsardeux.

La SCI, un outil utile…à condition de savoir s’en servir !

Bien que n’étant pas entièrement exhaustif (il faudrait un livre entier !), j’espère que cet article vous aura permis d’y voir un peu plus clair dans le fonctionnement des SCI. Si celles-ci peuvent être un formidable atout d’optimisation, elles ne sont néanmoins pas adaptées à toutes les situations. Ainsi, pour notre achat de studio à deux, créer une SCI n’aurait pas été pertinent. Nous n’avons pas d’enfants à qui transmettre un patrimoine à moyen terme et surtout, nous voulions louer en meublé sans avoir à opter pour l’IS.

Si vous envisagez d’y avoir recours, je ne peux que vous conseiller de consulter une personne spécialisée sur la question pour en discuter, le risque étant que vous n’optimisiez pas suffisamment les possibilités qui s’offrent à vous pour que la SCI vous soit réellement utile, et que vous vous trouviez à payer des impôts non prévus à la revente.

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